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lundi 26 mai 2008

42e étape - Fromista - Calzadilla de la Cueza

42 - Fromista – Villalcazar – Carrion de los Condes – Calzadilla de la Cueza
Castille












Peu importe ses tombeaux
l'église est d'abord là
pour protéger le puits

Il me plaît de penser que l'énorme église fortifiée des Templiers de Villalcazar a pu être bâtie juste pour défendre le puits qu'elle abrite.



Bataille contre les moucherons
Ils cherchent l'ombre du chapeau
Je ne suis pas assez bon
pour leur offrir
l'eau de ma peau

"Ce pays est plein de richesses
d'or et d'argent …
Le lait et le miel y abondent
… Cependant il est dépourvu de bois"

…écrivait déjà Aimery Picaud dans "Le Guide du pèlerin" au XIIe siècle. La déforestation ne date donc pas d'aujourd'hui !


Grâce au Camino
une ligne d'arbres
défie le ravage agricole


Des peupliers
baignent leur ombre
dans les flaques de la voie


La formule de ces terres sans fin ?
Elles donnent du pain aux hommes
et congé à la nature


Un tracteur gratte la terre
- qui libère une odeur
de patates





Compagnon tu vas trop vite
La hâte d'en finir
te conduira en tendinite


Ici les oiseaux ne chantent pas
ils protestent
pour la Terre

(Carrion de los Condes)


Comment vivre sans nature ?
Leur seul plaisir de corps
est de marcher en bord de route

Les habitants de Carrion de los Condes sont isolés au milieu d'un désert agricole et entièrement privés de nature. Pas d'arbres, pas de relief, pas de prairies, si peu d'oiseaux, rien que des terres labourées à perte de vue. Vivre là serait pour moi la punition suprême. Les pauvres joggeurs et marcheurs sont condamnés à faire des allers et retours sur d'interminables pistes rectilignes qui longent la route. Quelle tristesse, un plat pays !


Chemin droit sur morne plaine
mirage d'arbres à l'horizon
Pays d'hommes sans rêve ni mémoire


Un lancinant désert à marcher
où le vide du dehors
s'évacue en dedans

Ces plateaux démesurés dégagent une impression tragique. Défis, lieux de combat, voire de perdition, ils donnent une sensation d'écrasement et des envies de fuite. On se sent davantage perdu en pleine terre qu'en pleine mer ! Vertige horizontal, haut lieu de néant existentiel, rien à quoi s'accrocher. Cruauté des grandes étendues pour le piéton réduit à son infiniment petit. Dans ce grand large, quelques hommes sont debout, seuls, disséminés, peut-être des mirages. Le peuple pèlerin s'effiloche comme une vieille serpillière. Certains s'enferment dans leur solitude. Apocalypse rouge où le marcheur sombre s'il ne sait nourrir son intériorité. Pour en finir avec ce vide qui lui donne le mal du plateau, le marcheur accélère son rythme, au risque de se détruire. Espace mortel et infernal. S'il n'y prend pas garde, il court à sa perte, écrasé par la dictature de l'horizon. Il fait l'expérience de sa fragilité. S'il gagne, il en sort renforcé.



Le village du dernier moment
montre un clocher au marcheur épuisé
- celui du cimetière

Calzadilla de la Cueza a le sens de l'accueil.


Ah l'oasis rose des villages
au creux de houle
des terres à blé !
Ah le plaisir du bain glacé
à l'éden du refuge !

Une piscine, même glacée, est un cadeau inespéré. A Calzadilla, ce sera la seule trouvée dans une albergue sur tout le Camino.




L'étrange du pueblo
est son silence enchanté de merles
- un lieu sans voitures
laissant le champ libre aux oiseaux

Comme les autres villages de la Meseta, Calzadilla de la Cueza, est une île de silence. Au bout de l'horizon, on a gagné un autre monde, une autre époque. Pas de voitures, aucun bruit, sinon le chant des merles. Le soir on entend rentrer les tracteurs. Le repas et la veillée seront chaleureux à l'auberge. Les liens du peuple nomade se resserrent. L'ambiance est conviviale. Le bon vin espagnol coule à flot. Chacun fait provision d'amitié pour affronter les grandes étendues du lendemain.


Le soir la famille violon
régale la compagnie
de mélodies mêlées à des sourires d'enfants
Demain ils s'en iront sur des ânes





Joie du festin entre amis
digne de l'abbaye
du Bien-Vivre


Villages de meseta
escales bienheureuses
pour les frêles esquifs des marcheurs
au long cours

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Ces petits instants cocasses ou pertinents voudraient nous faire oublier...

Suite sur Free

Anonyme a dit…

Mortel, que vous êtes peu fidèle!
La passion du ballon rond l'emporte sur celle de Compostelle !

Vivement que la France se fasse évincer,
Pour que la suite de vos haïkus vous puissiez publier...