Archives du blog

lundi 16 juin 2008

45 - 46e étape (Leon)

45 - Leon – Villar de Mazariffe
(Leon)

Enchaîné aux flèches jaunes
le pèlerin d'aujourd'hui
peine à gagner le large

Le Paramo est un plateau du Leon, une petite Meseta, mais d'aspect moins désertique. Il est arboré de chênes verts. Des pâturages, des parcours à moutons y ont été conservés. J'ai préféré prendre cet itinéraire plus long pour éviter la foule qui se presse désormais sur le Chemin, ainsi que les pistes qui longent routes et autoroutes.

Maigre, genou bandé,
appuyé sur son bâton
un pèlerin japonais
claudique vers la sortie de ville

Désormais, le peuple pèlerin est international. Espagnols, Italiens, Français, Polonais, Hongrois, etc … Mais au-delà de l'Europe de souche catholique, on rencontre aussi de nombreux Québécois et maintenant quelques Asiatiques. Certains cheminants sont très obstinés et veulent coûte que coûte parvenir au but.


La bête moutonnante
à cent dos
illumine de sa toison
le désert du Paramo



En vérité,
clochers murs et clochers tours
furent élevés pour les cigogne






(veuillez accepter, rien que pour vous, ce bouquet de cigognes, envolées)





Les gens paraît-il s'enterraient
avec les barriques
pour résister à la chaleur

Dans les fermes du Paramo (Reliegos, Fresno del Camino
Ondine du Val d'Ondine) des caves attenantes aux maisons sont ensevelies sous des tumulus de terre. Elles servaient, parait-il, aussi bien à conserver le vin qu'à protéger en été les habitants des très grosses chaleurs.




Sur le plateau venté
des cairns aussi fragiles que la solitude
balisent la chaussée


La cloche fêlée
sonne un glas
encore plus désespéré

(Villar de Mazariffe )


Le portail grince
le coq chante à tue-tête
les dindons rouspètent -
Ce vent détraque la basse-cour

(Villar de Mazariffe )


A chaque station
la bière San Miguel
tient le compte pour Santiago


Vite
Qu'on nous rende
notre part de nature !

"Ne permettons pas qu'on nous enlève la part de la nature que nous renfermons. N'en perdons pas une étamine, n'en cédons pas un gravier d'eau." René Char





46 - Villar de Mazariffe – Hospital de Orbigo – Astorga
Leon



La poésie - folie volontaire -
décale les formules du monde
pour qu'il vibre autrement

(dans le crachin de Mazariffe)


Fruits noirs de l'arbre mort
les corbeaux à mâtine
sonnent la corne de brume



Merci au roi des ponts
pour la hauteur de vue qu'il donne
sur une si belle étendue

A l'Hospital de Orbigo, on passe un des plus longs ponts romans du Camino : deux cent quatre mètres sur vingt arches. Franchissant la rivière Orbigo, il reliait le village à l'Hospitalité construite au XIIe siècle pour les pèlerins par l'ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem.





Disséminés sur le parcours
des sanctuaires sauvages
tels des épouvantails



De la croix du plateau
on aperçoit la ville
et les monts se rapprochent

(Santo Toribo)



Le retable de la cathédrale
- beaucoup d'art pour rien

(Astorga)




Ce fada d'architecte
a construit un château de fées
pour les évêques !

Gaudi, plus délirant à Astorga qu'à Leon, n'a pas hésité à édifier un palais épiscopal (1889-1893) sur le modèle d'un château de contes de fées. Mais le bâtiment au beau portique n'a jamais servi de résidence à l'évêque. Celui qui l'avait commandé, et qui était l'ami de Gaudi, mourut avant la fin des travaux et le palais épiscopal devint un musée.









44e étape - Dans le Leon

44 - Bercianos – Mansilla – Leon
(Leon)















Le Camino semble parfois un encierro
où les moutons
ne savent plus vers quoi ils courent

L'encierro est la mise au toril des taureaux avant la corrida, à travers les rues closes de la ville. Le parcours des animaux est entièrement fermé par un jeu de barrières. Ainsi, certains pèlerins pressés, grégaires, craignant de ne pas trouver de place à l'albergue prochaine donnent l'impression de faire une course contre la montre, prisonniers dans les barrières du Chemin (les flèches jaunes) dont ils ne s'évadent jamais. Ils partent à la nuit, lancent des rumeurs de fermeture d'hébergements, courent comme des moutons effrayés, ne s'intéressent à rien, arrivent épuisés à l'étape à trois heures de l'après-midi, et s'endorment ou s'ennuient. Danger d'enfermement dans son effort, dans "son pèlerinage" qu'on veut terminer à tout prix. Chacun pour soi à la conquête de ciel !


En Espagne, il n'y a pas que
les cathédrales
il y a aussi les anarchistes
et les séparatistes
qui veulent le "Leon sans la Castille"








Ces villages du silence
vivent aux chants des merles
et au klaxon du pain
Les croix du cimetière
ont pris le large
et balisent le Chemin

L'enclos des morts
est à l'écart
sans contagion pour les vivants





De son fer la brume
efface le pays
et dissout les marcheurs






Tout l'art
est de capter l'espace
la pureté du vide



Surprise
il n'y a plus de nature
sur le chemin du surnaturel





De son vin d'aurore
le soleil
rougit la terre



Fatalisme caminaire :
la pluie le goudron les puces les ronfleurs :
"Ça fait partie du Chemin" !

Et brusquement cette "vision-pourquoi-pas" :

Arrivé au bout de la terre
il s'est déshabillé
a dit : merci de garder mes affaires
et il est parti nager
- sans retour


Mon vieux Gaudi
ta Casa se marie bien
aux bâtisses gothiques


Gaudi (1852 – 1926), génial architecte catalan, a construit à Leon un château néo-gothique, la Casa Fernandez (1891-1894), qui est occupé aujourd'hui par une banque. L'entrée principale est dominée par une statue de saint Georges tuant le dragon (variante de saint Jacques matamore). En face du monument, une statue de bronze représente l'architecte, assis, en train de dessiner. Sa plus célèbre réalisation est la cathédrale de la Sainte Famille, à Barcelone.


Fatigué
j'ai raté les fresques romanes
de San Isidoro
Il faudra revenir

A Leon, l'église San Isidoro est considérée comme l'ensemble roman le plus complet. La crypte du Panthéon Royal est appelée "la Sixtine de l'art roman", à cause des ses remarquables peintures du XIIe siècle qui racontent la rédemption selon la liturgie mozarabe (c'est-à-dire des chrétiens de l'Espagne musulmane).




L'hôpital des pauvres
est devenu un hôtel de riches
Les yeux clos
du jacquaire de bronze
désavouent

(Parador de San Marcos – Leon)

Ironie de l'histoire. L'hôpital San Marcos fut construit au XIIe siècle pour recevoir les pauvres. Au XVIe siècle, l'hospice devint un lieu d'accueil pour les chevaliers de saint Jacques. Et aujourd'hui, c'est un hôtel haut de gamme, un parador, pour les riches !




A Leon
la quintessence de l'Espagne
d'hier et d'aujourd'hui