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jeudi 13 décembre 2007

Marche et haïku

Qu'est-ce-qu'un haïku ?

Le haïku est une forme poétique japonaise qui s'est épanouie au XVIIe siècle, avec en particulier un poète réputé nommé Bashô.
Il se caractérise par sa brièveté : trois versets de 5 – 7 – et 5 pieds.

Le haïku est d'abord un poème des saisons : il s'agit de capter les reflets du temps qui passe, de saisir dans son cycle ce qui ne se reproduira plus. Puis ses thèmes se sont élargis.
C'est un poème sur des instants privilégiés. Pas d'images, pas d'abstractions, pas de rêveries, pas d'objets lointains, pas de sublime, pas d'ego. Il s'agit de dire la chose comme elle est, notre présence au monde ici et maintenant, le surgissement de l'inattendu et son ravissement. Simplicité apparente de cette conversion au réel. Le haïku sert une évidence, limpide, immédiate et éphémère. Il est l'éclat du mouvant. C'est l'art de la simplicité, de la légèreté, de la concision.

Il est imprégné de bouddhisme zen, comme la calligraphie ou l'art des jardins.
Le thèmes bouddhistes en sont sous-jacents : l'impermanence, l'adhésion à ce qui est, le mystère du monde, l'union avec la nature.
Dans et par sa simplicité il a un pouvoir d'éveil, il vise une ouverture, voire une illumination.

Haïku et marche.
Cette forme poétique est favorisée par la marche qui rapproche de la nature, des sensations infimes qu'elle inspire. Bashô était un marcheur, un moine nomade : "Chaque jour, en voyage, faire du voyage sa demeure." Il a inventé le journal de voyage poétique. Le haïku est par excellence la poésie de la marche à pied. C'est un excellent outil pour ratisser les sensations.

Je me suis inspiré de cette idée alliant marche et haïku pour faire un diaire poétique de mon cheminement à Compostelle.
Ces textes ne sont pas de vrais haïkus, puisque ce sont des vers libres et que j'utilise des images et quelques abstractions. Le haïku n'était-il pas lui-même une poésie libre qui s'était délivrée des contraintes de la poésie officielle d'alors ? Je me suis inspiré et de son esprit et de sa liberté. Faisant flèche de toutes situations et de toutes sensations, je me suis voulu le griot des chemins écrivant par touches et pincées d'images ce que j'ai recueilli et accueilli en moi, perçu et ruminé au cours de mes journées de marche.
Autrefois, on appelait les photos des instantanés. Mes pseudo-haïkus sont des instantanés pris sur le vif ou sur le motif comme disaient les peintres impressionnistes. Voir le nouveau dans l'ordinaire, le trésor caché dans l'instant, c'est bien une affaire de regard. Boire chaque matin le réel à la source et en formuler sa fraîcheur, tels furent mes plus grands plaisirs. Dire la lumière éphémère des herbes, le merveilleux suspendu à une goutte de rosée jusqu'à l'heure des lumières de cendre et du gouffre noir.

Le fruit du vide et de la solitude.
Cet objectif d'écriture fut un extraordinaire compagnon de voyage justifiant la solitude de mon cheminement. Les discussions avec des compagnons de rencontre excluaient de fait toute production. Je les ai volontairement limitées, m'imposant une certaine ascèse pour être le plus possible vide et réceptif à tout ce qui advenait de la nature et du temps. Pour écrire des haïkus, la bonne attitude est de ne rien faire, de ne rien penser pour être attentif à l'imprévu, à l'affût du singulier, du furtif, du transitoire. Au jour le jour, j'ai aiguisé ma conscience pour regarder ce que je voyais, écouter ce que j'entendais - le rythme et la lenteur de la marche permettant de chercher la bonne formule des instants vécus.
Grâce à la marche et au haïku j'ai développé ma présence au monde, en compagnie de quelques poètes dont l'histoire jalonne, de loin en loin, le chemin.

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