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jeudi 15 mai 2008

40e étape - Burgos - Castojeriz

40 - Burgos – Hontanas – Castrojeriz
Castille



De la pluie
le sage a dit
elle fait partie du Chemin





Lente montée au plateau
des espaces ventés
Meseta du grand vide intérieur

Cette fameuse Meseta de Castille est un immense plateau ondulé, à 900 mètres d'altitude. Plateau de démesure. Il est planté de céréales, à perte de vue. A l'automne, après les moissons, il offre un aspect désertique. De pauvres villages, à moitié abandonnés, l'habitent de loin en loin. Ambiance western. Longues distances et monotonie constituent une véritable épreuve pour le marcheur. Cette Meseta peut effrayer ceux qui n'aiment pas les grandes étendues. Pourtant ils sont favorables à une réflexion en profondeur si on supporte le tête-à-tête avec soi-même. La marche automatique libère l'esprit. Il faut compter une semaine pour traverser ces plateaux jusqu'aux monts du Léon que l'on verra apparaître avec satisfaction. Mais certains marcheurs trop pressés forcent leur organisme et le détraquent. Beaucoup de pèlerins se trouvent contraints d'abandonner ici, n'ayant pas su gérer leur effort.



Par rafales les anges passent
et déversent leurs eaux
sur les fourmis processionnaires

Ola, buen Camino !
Litanie des pèlerins
emmitouflés dans leur poncho


Ils ont laissé un arbre
Quelques alouettes
ont esquivé les machines

Quelle est l'histoire
de ce paysage délirant
où les villages se terrent ?



Pauvre fille pillée
pour abuser de ta fertilité
- A qui profite le crime ?

Ces immenses terres à blé de la Castille du nord ne semblent pas profiter à la population locale. Villages, pauvres, désertés, délabrés. Ils n'existeraient plus sans le Camino qui amène des clients aux auberges et aux restaurants. Rien à voir avec les villages de l'Aragon ou de la riche Navarre. Ici pas de grues de construction.


Ce village de pisé et de paille
vient de l'âge des cabanes blotties
- élégance primitive

(Hontanas)


Le corps n'est pas une machine
L'usage le perfectionne
et l'effort l'affûte


Ni pluie ni boue ni marcheurs
je suis seul et libre
avec le vent



Le Camino sans âge
passe sous l'arche gothique
du porche du couvent

Le Chemin et la route actuelle passent sous le porche du couvent ruiné de Saint-Antoine (XVe siècle). La spécialité de ces moines était de soigner le feu de Saint-Antoine, ou mal des ardents. Cette maladie endémique et mortelle du Moyen Âge provoquait une gangrène. Elle était due à l'absorption de seigle parasité par un champignon, l'ergot. Ce fléau était dû à la mauvaise alimentation. Le fameux retable des Antonins d'Issenheim visible au musée de Colmar, chef d'œuvre de Mathis Grünewald, représente les plantes utilisées par la congrégation des Antonins pour lutter contre cette maladie de la pauvreté.


Sur un mur des ruines
le guide montre
le cochon de saint Antoine
pour nourrir le peuple
et affoler les musulmans

Saint Antoine est aussi le patron des ramasseurs de truffe qui utilisaient autrefois un cochon pour en faire la cueillette.


Dans la rosace, la lettre Tau
croix du supplice
signe des élus

La croix de Saint-Antoine (le tau - T) était imposée aux malades pour les soigner. Dans la Bible, la lettre Tau est le signe des élus (Ézéchiel 9, 4). Au Moyen Âge, les bâtons d'évêque pouvaient aussi avoir la forme d'un Tau.


Quand puces et punaises
s'emparent des refuges
cela fait-il partie du Chemin ?

Le renoncement a ses limites ! et la salubrité des locaux laisse parfois à désirer, à cause de la surfréquentation. Il arrive de trouver porte close pour désinfection des auberges !

L'auberge est pleine
Je loge à l'hôtel
quittant l'utopie du Chemin
pour le monde réel

L'itinérance fait basculer dans un monde irréel. Elle désintoxique de la société de spectacle et de consommation. Abandon des habitudes, retour au corps et à l'essentiel, fin de la surconsommation, découverte de nouvelles valeurs liées aux rencontres et à un mode de vie frugal dans des hébergements collectifs. Par la marche itinérante, on accède à un nouvel art de vivre, l'art de vivre libre. Le monde du Chemin a ses règles et ses rites qui transforment le pèlerin, c'est une utopie vécue. A Castrojeriz, l'auberge étant complète, je dois loger à l'hôtel et me retrouve brusquement plongé dans la vie "normale" (confort, télé, draps propres et solitude). Prise de conscience aiguë de ces deux mondes parallèles. Maintenant je sais que l'on peut vivre autrement, sans stress, ni compétition, ni agressivité. Cette expérience laisse un souvenir indélébile, celle d'un paradis possible, d'un bonheur entrevu.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Suis venue m'enquérir de la progression de ce beau travail.
Laisse ce petit commentaire comme une balise marquant mon passage le 25 mai à 10h55
A...... comme anonyme ou absente.